Le guide rapide sur le rôle des CRF dans le recouvrement d'avoirs
Thierry Ravalomanda, Senior Asset Recovery Specialist, Basel Institute on Governance
Egalement disponible en : English, Español, Português
Pratiquement
tous les pays ont une cellule de renseignements financiers (CRF) et elle joue
un rôle vital dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et autres crimes
financiers. Cependant, son fonctionnement peut prêter à confusion – même parmi les
autorités anti-corruption, notamment concernant ce qu’elle peut faire et ne pas
faire, et les avantages qu’elle apporte. Voici
un rapide aperçu.
Un rôle vital d'intermédiaire
Un des rôles
importants de la CRF est d'aider à détecter des opérations financières qui sont
potentiellement illégales et qui demandent une enquête plus approfondie de la
police, ou d’une autre autorité de répression compétente.
En somme : Les
banques ou autres entreprises qui réalisent des opérations pour le compte de
leurs clients remarquent parfois une opération suspecte, mais ne possèdent pas
de preuves tangibles d’un quelconque acte illégal. Au lieu d'en informer
directement les forces de l’ordre, ils contactent la CRF de leur pays qui va analyser
l’opération et décider si des mesures supplémentaires sont nécessaires ou non.
Ce rôle
d'intermédiaire est important pour confondre les criminels, mais aussi pour le
recouvrement des avoirs découlant de leurs crimes.
Que peuvent faire les CRF ?
Une cellule
de renseignements financiers (CRF) est
une agence centrale nationale. Son rôle est de recevoir, d’analyser et de
disséminer les déclarations d’opérations suspectes (DOS) ou d’autres informations
financiers reçues des entités assujetties aux obligations de déclaration.
La plupart des
CRF sont des organismes administratifs indépendants. Certains sont établis au
sein du pouvoir judiciaire du gouvernement et ont des compétences
supplémentaires, comme la capacité d’effectuer des perquisitions ou des saisies
de biens.
D'autres pays ont des CRF de type
policier ayant des pouvoirs d’enquêtes plus importants. Vous pouvez consulter
un descriptif complet des différents types
de CRF ici.
Qui sont les entités assujetties aux
obligations de déclaration ?
Les entités
assujetties aux obligations de déclaration sont des
entreprises qui sont légalement dans l’obligation de mettre en place un cadre
préventif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme (LBC/FT). Il en existe deux catégories :
- Les
institutions financières (par exemple les banques, les compagnies d'assurance,
les bureaux de change) ;
- Les entreprises et professions non-financières désignées (par exemple les avocats, les comptables et les casinos).
Le cadre préventif se base sur une approche fondée sur les risques et implique un ensemble de mesures comme « les mesures de vigilance normales relatives à
la clientèle », « les mesures de vigilance renforcées » et
« Connaissance du Client » (KYC). Le but est de vérifier l’identité
des clients et de s’assurer qu’ils n’effectuent pas de opérations financières
illicites.
Qu’est-ce qu’une déclaration d’opérations suspectes (DOS) ?
Lors de la
surveillance des activités et des comptes de clients dans le cadre du système
préventif LBC/FT, l’entité assujettie aux obligations de déclaration pourrait
déceler des opérations qui ne correspondent pas au profil du client, tels que
le dépôt ou le retrait de grosses sommes, ou des opérations complexes sans
justification économique évidente.
Si elle
soupçonne que ces fonds proviennent d’une infraction, elle est obligée de faire
une déclaration d’opérations suspectes (DOS) parfois appelée déclaration de
soupçons, auprès de la CRF.
Que fait la CRF avec une déclaration d’opérations
suspectes ?
La CRF analyse
la déclaration pour confirmer ou invalider les soupçons. Elle peut revenir vers
l’entité déclarante pour obtenir plus d’informations, tels que les relevés
bancaires et l’historique du client, mais elle peut aussi accéder aux bases de
données gouvernementales pour prendre connaissance par exemple de son casier
judiciaire ou des titres de propriété.
Une CRF de
type administratif mène une pré-enquête, et non une
enquête en elle-même. Elle
fournit des renseignements, pas
des preuves. Les CRF de type policer ont le pouvoir d’enquêter, d’interroger
les suspects ou de saisir des biens et de fournir des preuves qui peuvent être
utilisées au tribunal.
Le rôle du Groupe Egmont
Un rôle vital.
Le Groupe Egmont des cellules de renseignements financiers est un réseau informel regroupant presque toutes les CRF
du monde, et agit comme une plateforme d’échange de renseignements.
Beaucoup d’opérations
suspectes contiennent un élément transnational, par exemple, des transferts de
grosses sommes depuis ou vers un pays étranger. Une CRF peut contacter, d’une
manière confidentielle, son homologue dans un pays étranger et demander des
renseignements sur l’opération, les personnes, ou les entreprises impliquées.
C’est rapide, efficace et extrêmement utile – mais ceci reste officieux, ces
renseignements ne peuvent donc servir de preuve.
Si la CRF
conclut que l’opération doit être rapportée à une autorité de répression
compétente, cette autorité peut obtenir la même information ainsi que toutes
autres informations supplémentaires à travers une procédure officielle d’entraide
judiciaire internationale, pour en assurer l’admissibilité en tant que preuves
au tribunal.
Comment les CRF contribuent au recouvrement d'avoirs
On pourrait
penser que le « recouvrement d'avoirs » est simplement la confiscation des
avoirs obtenus illégalement et leur restitution au pays où ils ont été volés.
En fait, la restitution de ces fonds n’est que la partie émergée de l’iceberg,
la partie visible aux yeux du grand public, grâce aux médias. Mais ce n’est que
le résultat final d’un long processus qui remonte à la phase de pré-enquête à
laquelle la CRF peut avoir contribué.
Lors de cette
étape de pré-enquête, la CRF effectue une analyse rigoureuse et peut être
capable d’identifier des possibles crimes financiers tels que le blanchiment de
capitaux, ainsi que l’infraction principale – l’infraction
qui se trouve à l’origine des fonds illégaux. Il peut aussi identifier des biens
qui ont servi à commettre l’infraction et tout bien qui en est le produit.
La CRF utilise
tous ses pouvoirs, tous les renseignements qui sont à sa disposition, ainsi que
ses relations internationales à travers le Groupe Egmont pour créer une base des
renseignements opérationnels. Ensuite, elle met ces renseignements à la
disposition des autorités de répression compétentes qui enquêtent sur
l’affaire.
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